«Dans leur combat pour l’égalité, les Noirs ont tout essayé. Nous avons imploré, nous nous sommes révoltés, nous avons joué les amuseurs publics et épousé des Blancs. Pourtant, on continue à nous traiter comme de la merde. Rien ne marche, alors pourquoi subir une mort lente ? La petite annonce dans le journal du dimanche disait : « Cherchons négro démago capable de guider peuple opprimé jusqu’à la Terre promise. Rémunération selon expérience. Débutants acceptés. » Étant poète, et donc expert en techniques de coercition de l’âme noire par les sentiments, j’étais on ne peut plus qualifié pour le poste. À cette époque, tout le monde m’écoutait – des intellos aux clodos en passant par la coterie des politicards – aussi, vingt-deux millions d’âmes en déshérence m’ont promu manipulateur à plein temps et père adoptif d’une ethnie à l’abandon. Les nègres ont alors déferlé sur Hillside, scrutant le smog californien dans l’attente d’un signe annonciateur, et l’Histoire a ajouté mon nom à la bande des messies déjantés qui répondent présent à l’appel de Satan : Jim Jones, David Koresh, Charles Manson et le général Westmoreland. Toute la bande et puis moi. Les pages qui suivent constituent mes mémoires.»
