Ce récit bouleversant raconte à la première personne du pluriel un « nous » qui vaut de nombreuses voix : l’expérience de jeunes Japonaises envoyées à San Francisco au début du XXe siècle, dans l’espoir d’une vie meilleure. Très jeunes, elles s’apprêtent à rejoindre un futur époux, japonais lui aussi, émigré de longue date, qu’elles n’ont pas choisi mais seulement vu sur des photos vieilles de vingt ans. Elles viennent avec leur kimono, leur savoir-faire de cuisinière, de couturière, leur bon sens de paysanne, leur innocence, leur endurance aussi, qui leur sera bien utile.
Le narratif pluriel et incantatoire dit avec force, mais sans pathos, la souffrance de ces jeunes femmes livrées brutalement à un quotidien qui les broie, d’une nuit de noces relevant souvent du viol à l’obligation de trimer aux champs. Prolétaires ou non, toutes seront soumises aux mêmes brimades, au même mépris, au même désenchantement. « Nous comprenions que jamais nous n’aurions dû partir de chez nous. » L’exil tournera d’autant plus au cauchemar que le spectre de la guerre leur promet le pire.
La romancière met en lumière un épisode historique méconnu avec une virtuosité époustouflante.
