« Je me suis approprié ce métier livre après livre.
[…] J’ai étudié l’allemand et appris au fil des textes. Je ne suis ni normalienne, ni agrégée d’allemand, ni diplômée de traduction littéraire. Pourtant, je suis traductrice.
Je choisis des mots dans ma langue pour retranscrire ceux que l’auteurice a écrits dans la sienne. En revanche, écrire avec mes mots à moi, sans m’appuyer sur ceux des autres, m’est longtemps resté impossible. Impensable.
La traduction littéraire était, sans que j’en aie tout à fait conscience, le maximum que je pouvais m’autoriser.
« Ce que je dois le plus souvent contredire, c’est cette croyance qu’en tant que traductrice, je m’efface derrière un texte.
Je ne peux pas m’effacer.
Je ne suis jamais invisible, et même : on ne voit que moi.
Les mots que les lecteurices lisent en traduction sont ceux que j’ai choisis. Certes avec une trame donnée, qui est là et affleure parfois à la surface, mais je suis tout aussi peu invisible qu’une comédienne qui interprète un rôle avec tout ce qu’elle est.
Moi qui ai toujours eu du mal à (sa)voir où je serais dans dix ans, je serais bien incapable de prédire mon propre avenir dans le métier. Ce que je sais, c’est que ma pratique ne cesse d’évoluer. Et que cet exercice d’écriture, écrire ce livre, la modifiera forcément. L’expérience me rendra-t-elle meilleure traductrice, ou au contraire plus mauvaise, parce que j’aurai pris goût à choisir mes mots sans contrainte étrangère, sans texte de départ à respecter ? Une chose est sûre, j’aimerais montrer davantage les coutures de la traduction, la trame du travail en train de se tisser. Montrer les doutes, les montagnes de questions que je me pose en traduisant, les décisions que je finis par prendre, même si aucune d’elles n’est définitive. C’est ce que je me suis efforcée de faire ici.