Trump, Poutine : chacun invente sa novlangue pour supprimer les mots et avec eux, les réalités qu’ils désignent. Face à cette manipulation, la philosophe et académicienne Barbara Cassin imagine une culture européenne émancipatrice, capable de s’affirmer comme un rempart.
Il existe peut-être une autre composante de la sidération pour nous Européens, et qui n’est pas à notre avantage ni à celui de nos hommes et femmes politiques. Il est sidérant pour nous de constater que Poutine comme Trump, pourtant si imprévisible dans l’instant, comme en premier lieu Hitler lui-même, font effectivement ce qu’ils disent qu’ils feront. Ils ont fait, ils font ce qu’ils annoncent vouloir faire, dans Mein Kampf comme dans le discours électoral de Trump, comme dans les annonces programmatiques de Poutine. C’est sidérant pour nous qui sommes accoutumés aux promesses politiques qui n’engagent que ceux qui les croient. Inutile et attristant d’en esquisser le catalogue, celui des promesses et celui des promesses de tenir les promesses. Mais eux disent ce qu’ils vont faire et voilà qu’ils font en effet ce qu’ils ont dit ! Ils performent pour de bon, y compris pour les droits de douane.
Nous, on pense qu’ils le disent mais que comme d’habitude, ce sont là paroles paroles paroles, démagogie, vantardise, menaces et chantages, mais pendant ce temps, ils le font, et on n’y croit toujours pas, on reste incrédule. C’est là un effet de notre hexis politique, peut-être faudrait-il dire de notre hexis démocratique pour le meilleur et pour le pire : nos dirigeants ne font que très rarement ce qu’ils disent. Le mot « révolution », titre du livre d’Emmanuel Macron, n’implique aucunement une/la révolution. En revanche, Hitler, Trump, Poutine ont fait, font, ce qu’ils disent.


